Le citoyen du 9 février 1918

Le Citoyen du 9 février 1918

Popo Torrent

L’instruction est saisie de l’affaire Popo Torrent dont nous parlions dans notre dernier numéro. Qu’est ce qui s’est passé exactement ? Il faut espérer que l’instruction nous le dira.

Popo Torrent est bien connu de nos amis pour avoir été l’un des principaux agents de la défense de notre groupe aux Vieux-Habitants. Il a arrêté bien souvent les donneurs de fraîcheur, a fait tête à l’autorité au moment où celle-ci accablait notre part. Malheureusement des histoires particulières sont venues compliquer la situation vis-à-vis de la justice qui s’était plu à voir en lui, un farouche ennemi de la société.

Depuis 8 à 10, on le recherche, on le poursuit, on le traque comme une bête fauve, dans les hauteurs de Vieux-Habitants. A remarquer que la plupart des faits d’ordre plutôt politique pour lesquels il était  poursuivi, ont été amnistiés depuis longtemps. Popo Torrent qui avait conservé le souvenir des injustices dont les nôtres ont été victimes, avait une sainte frayeur des autorités. Il s’imaginait que nos tribunaux étaient remplis de malfaiteurs, comme au temps de Gérault et il avait pris la décision de ne jamais comparaître devant eux.

C’est pour cela qu’il s’était toujours dérobé aux investigations des gendarmes. Mais la semaine dernière, il fut pris au collet par deux d’entre eux, au moment où il s’y attendait le moins. On le garrotta. Il fit des efforts pour s’enfuir et dans ses efforts porta paraît-il un ou deux coups de tête à l’un deux. Le gendarme fit feu et quatre coups de revolver couchèrent le malheureux sur le sol.

Il est vrai que la gendarmerie s’il n’a point agit de propos délibéré à du moins perdu sa présence d’esprit, car la victime était nous dit-on enchaînée et c’est en vain qu’il essayait de s’échapper. La loi propose des peines pour le délinquant qui s’oppose à son arrestation par la violence, mais n’autorise pas l’agent chargé de procéder à cette arrestation de se faire justice à lui-même. Car la vie d’un homme n’est pas la vie d’un chien et ce n’est qu’à bon droit qu’on droit le supprimer.

Quoi qu’il en soit les autorités informent et fera, nous voulons le croire, la justice sur ce point.

Le lendemain une foule considérable accompagnait Torrent au cimetière du Baillif et sur la tombe, le maire des  Vieux-Habitants notre ami Labique retraça la vie de la victime, il montra quelle virile énergie s’était développée en elle et de quelle puissant secours elle avait été pour nos amis aux heures de péril. Il fit allusion aux faits qui avaient déterminé la justice à le poursuivre ou à le frapper et exprima le regret que la fatalité ait amené pour lui une fin aussi tragique.

Après Labique, notre directeur prononça quelques paroles émues que nous publierons la prochaine fois.